Fromage à pâte pressée non cuite, de forme parallélépipédique et aux arêtes arrondies, fabriqué et affiné exclusivement à Minorque, selon la tradition locale et les normes définies par le règlement de la DO. Il a reçu définitivement en 1985 la dénomination d'origine Queso Mahón, et à laquelle a été ajouté le mot Menorca en 1998 : le fromage s'appelle depuis Queso Mahón-Menorca. Ce fromage a toujours été un produit emblématique de Minorque, où il est fabriqué à base de lait de vache caillé à basse température, puis salé par immersion et affiné selon les pratiques traditionnelles minorquines.
Toujours fabriqué de nos jours selon des traditions ancestrales, le Queso Mahón-Menorca est l'un des piliers de l'histoire et de la tradition de l'élevage et de la gastronomie de Minorque. Les premiers établissements humains stables à Minorque dateraient d'environ 2000 av. J.-C., comme en témoignent les pièces de céramiques de cette époque qu'on y a découvertes : il pourrait s'agir d'ustensiles utilisés par les éleveurs primitifs de l'île pour la fabrication de fromage. On dispose bien sûr de données bien plus précises sur les périodes plus récentes. Dans une encyclique écrite en 417, l'évêque Severo commente ainsi “la grande abondance d'animaux convenant à l'alimentation humaine” et affirme que les Minorquins se nourrissent de lac et caseum vaccinium (lait et fromage de lait de vache). Il met ainsi en lumière une activité qui deviendra l'un des moteurs de l'économie de l'île : l'élevage, en particulier celui des bovins. En l'an 1000, des écrits arabes font état d'importantes productions de fromages, vins et viandes à Minorque. L'historien arabe Ashashaskandi dit ainsi de Minorque qu'elle “abrite de beaux élevages et des vignes qui permettent la fabrication de bons fromages et de bons vins”. Déjà au XIIIe siècle, on produit donc à Minorque des vins, viandes et fromages de qualité honorable qui font l'objet d'échanges intenses et fructueux avec l'extérieur. Les chroniques rapportent que le roi Pedro III d'Aragon a reçu en 1282, à son arrivée au port de Mahón, un cadeau comprenant “bétail, oeufs, fromages, saindoux et pain frais”, soulignant que le fromage était déjà un produit très estimé sur l'île. Au début du XIVe, le dominicain Pedro Marsili, chroniqueur du roi Jaime II, fait dire à Pedro Martell que les Minorquins disposent de lait, de fromages, de pain et de vin en abondance. Au XVe siècle, la société de commerce des frères Datini de Lucca, en Toscane, envoie à Minorque des marchands chargés d'acheter de la laine et du fromage ; ceux-là n'attendent pas d'avoir rejoint le continent et revendent les fromages à Majorque, où ils sont très appréciés. Ces échanges entre les deux îles ont traversé le temps jusqu'à nos jours et le Queso Mahón est encore l'un des plus prisés par les Majorquins. Les archives de la couronne d'Aragon montrent également l'importance de l'élevage minorquin et du Queso Mahón aux XVe et XVIe siècles. Leur commerce connaît une croissance telle qu'au XVIIIe, il existe quatre navires se consacrant exclusivement au transport de ce fromage produit à Minorque : ils rejoignent Gênes et d'autres grandes villes de l'Ouest du bassin méditerranéen au départ de Mahón et font ainsi connaître ce produit à l'étranger comme “fromage venu du port de Mahón” ou “fromage de Mahón”, bien que celui ait pu être fabriqué à Mercadal, Ciutadella, Alaior ou ailleurs sur l'île. On peut donc affirmer sans exagération que rares sont les fromages jouissant d'une “dénomination d'origine” aussi ancienne et aussi solide que le fromage minorquin. Tout au long du XVIIIe siècle, les gouverneurs successifs de l'île s'emploient à dynamiser la production et la commercialisation du fromage mais aussi à améliorer l'élevage à Minorque. Le gouverneur Richard Kane, qui fait alors importer des ovins pour créer des croisements destinés à améliorer la productivité des troupeaux locaux, illustre parfaitement cette volonté.
Par la suite, le poids acquis par la production laitière et fromagère et son influence sur l'économie de l'île, combinée au vide laissé par le départ des Britanniques, créent les conditions idéales pour qu'apparaisse un nouvel acteur, l'affineur de fromages. Distribuant auprès des paysans toutes sortes de produits convenant au travail de la terre, ce professionnel se charge plus particulièrement de collecter les fromages frais fabriqués sur toute l'île : il les affine ensuite dans ses installations, dans des conditions contrôlées et homogènes, avant de les vendre sous sa marque sur les marchés de l'île et de la péninsule Ibérique. Ce métier a traversé les siècles et existe toujours.
Zone de production
La zone de production du lait et de fabrication et d'affinage du Queso Mahón-Menorca est limitée à l'île de Minorque. Minorque jouit d'un microclimat assez différent de celui des îles voisines, marqué par l'absence quasi totale de hauts reliefs, mais surtout par une pluviométrie relativement abondante pour une île méditerranéenne (environ 600 mm par an) ; à ces pluies qui tombent de l'automne au printemps, s'ajoute par ailleurs des gelées blanches. L'île bénéficie toutefois de températures typiques de la zone méditerranéenne, avec des minimums de 5 à 10°C en hiver et des maximums estivaux autour de 30°C : toutes ces conditions en font un lieu idéal pour les plantes fourragères et, de ce fait, pour le bétail. Les vaches laitières de Minorque sont en majorité issues de la race frisonne ou d'élevages isolés de race minorquine.
Fabrication
La fabrication du fromage est restée longtemps inchangée sur toute l'île de Minorque, où l'on a mis en oeuvre des pratiques séculaires. Un ensemble de techniques ancestrales transmis de père en fils définit et caractérise le fromage authentique. Selon le traitement subi par le lait entrant dans la fabrication du produit, on distingue deux types de fromage protégé :
C'est au pic de la production laitière, qui s'étend à Minorque de fin septembre à début juin, que le Queso Mahón-Menorca artisanal est fabriqué, deux fois par jour, dans les fromageries artisanales. Le filtrage est le seul traitement préalable que subit le lait entrant dans la fabrication du Queso Mahón-Menorca artisanal : il est réalisé grâce à un filtre de cellulose directement dans la salle de traite, ou bien à un “fogasser” (tamis en toile de lin ou de coton) que l'on plie. Le lait destiné à la fabrication du Queso Mahón-Menorca est réfrigéré et conservé sur place à 4°C maximum. Il est ensuite transporté en camions réfrigérés jusqu'aux fromageries où il est pasteurisé avant la fabrication du fromage. Les deux types de Queso Mahón-Menorca suivent les mêmes processus fondamentaux, avec quelques différences qui ont des répercussions sur le produit final. Le règlement distingue, dans l'élaboration du fromage, les étapes suivantes :
Caractéristiques
Le Queso Mahón-Menorca est de forme parallélépipédique, haut de 5 à 7 cm. Le type Queso Mahón-Menorca présente le plus souvent une hauteur constante de 9 cm, pour un poids compris entre 0,6 et 4 kg, même si les pièces d'environ 3 kg sont les plus courantes. Grâce à la précision permises par les procédés normalisés, le poids du Queso Mahón-Menorca est très constant et s'élève généralement à environ 2,5 kg. La présence de la mamella sur le Queso Mahón-Menorca artisanal est très importante car elle constitue un signe indéniable d'identification du produit. La pâte présente en général une texture ferme, qui évolue de façon continue selon le degré d'affinage. Sa couleur va du blanc lacté au jaune sombre. Elle se caractérise également par la présence de trous de taille variable, mais ne dépassant jamais le diamètre d'un petit pois. Fromage semicurado (mi-sec) Sa croûte est compacte et va du jaune pâle (caractéristique des fromages très jeunes) à l'orangé voire au marron dans le cas du Queso Mahón-Menorca artisanal. La pâte est consistante et facile à couper et arbore une couleur ivoire-jaune qui va en s'assombrissant au fil de la maturation. Elle présente un nombre assez conséquent de trous de dimension variable mais n'excédant jamais la taille d'un petit pois, et répartis de façon irrégulière.
La surface, de coupe facile, reste lisse, entière et brillante. Le fromage est mou, plutôt élastique, et offre un goût suave, légèrement salé et acide. On dénote des arômes lactés plus évolués, évoquant le beurre, mais aussi des arômes de fruits secs grillés (noisette), tous bien définis et caractéristiques. Fromage curado (sec) On observe souvent sur les fromages secs une croûte plutôt rouge. En l'absence de paprika, elle reste toutefois de couleur jaune plus ou moins sombre. En coupe, le fromage dévoile une couleur jaune sombre et intense, et la quantité de trous est inversement proportionnelle à la durée de maturation du fromage. La coupe est difficile et la surface coupée apparaît rugueuse et peu brillante. La texture est plus ferme et plus dure que celle du mi-sec : des effritements apparaissent dans le sens inverse de la coupe, et les fromages très affinés peuvent même casser. Le goût et les arômes, très évolués, complexes et intenses, persistent longtemps en bouche. Ils évoquent le bois vieilli, le cuir tanné et la cave d'affinage. Ce fromage offre un goût salé prononcé et un léger piquant, au détriment des saveurs lactées, qui s'estompent.
Année 2023
Élevages : 98
Vaches : 5.600
Fromageries artisanales : 44
Fromageries industrielles : 9
Affineurs : 41
Production de fromage: 3.703 t